AUTOEDITES, N’AYEZ PAS DE COMPLEXES !

Oyez ! Oyez ! braves écrivains ! Braves écrivaines ! Vous, travailleurs infatigables à qui l’on reproche de ne pas trouver d’éditeur, et pire encore, de PAYER pour que votre livre paraisse enfin…

Et bien sachez que de nombreux auteurs du passé qui sont devenus des références littéraires ont subi les mêmes affres que vous…

En effet, ils devaient souvent, eux aussi, se débrouiller seuls pour donner vie à leur travail.

Qui par exemple ?

Dans une biographie de Poésies de Rimbaud par Daniel Leuwers (Le livre de poche – 1972) on peut lire :

« La blessure de Rimbaud est légère. Le poète, un bras en écharpe, peut sortir de l’hôpital le 20 juillet. Il serait alors rentré à Roche et, enfermé dans un grenier, aurait achevé de composer Une saison en enfer. Rimbaud confiera bientôt l’impression de son ouvrage à un imprimeur bruxellois, Jacques Poot, mais se verra contraint, faute d’argent, d’abandonner l’édition de son livre dont quelques rares exemplaires ont été adressés à ses amis. »

Comme lui, la plupart des auteurs alors inconnus ont dû mettre la main à la poche pour publier leur livre (Proust – Du côté de chez Swann ; Alfred de Musset – Contes d’Espagne et d’Italie ; Verlaine – Poèmes saturniens ; mais aussi Zola, Colette, Guy de Maupassant, Jules Verne, Chateaubriand…). Vous imaginez s’ils avaient renoncé ???

Un peu d’histoire

Si l’on s’en tient au tout tout début l’édition…. au XVe siècle, c’est-à-dire après l’invention de l’imprimerie, un livre n’est imprimé qu’en réponse à une commande. Ces sont essentiellement des livres religieux. Forcément, peu de personnes savent lire alors…

Au XVIe siècle, des poètes (Ronsard, Du Bellay) et des humanistes (Montaigne, Rabelais) « envahissent » un secteur qui est régit par la censure de l’Eglise et du pouvoir royal. Et oui ! Le dépôt légal existait déjà ! L’écrit était contrôlé pour autorisation, ou pas, puis déposé à la bibliothèque royale (ancienne BNF). De quoi décourager les talents de l’époque…

C’est à la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe, que l’édition, telle que nous la connaissons, fait son apparition dans le ciel de la lecture… La « propriété littéraire », ex « droit d’auteur », existe depuis 1793. C’est l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui en bénéficiera en avant-première. Tout commence alors, lorsque le marché de la demande devient le marché de l’offre et que certains flairent la bonne affaire au bout de la plume mouillée d’encre…

A l’époque, souvent l’imprimeur faisait office d’éditeur et de libraire. C’était donc l’imprimeur qu’il fallait démarcher, son manuscrit sous le bras.

C’est le Ministère de l’Instruction publique qui va créer le rush des imprimeurs en passant commande d’une quantité importante de Dictionnaire de la langue française d’Emile Littré. Les imprimeurs se séparent des libraires qui développent chacun leur propre réseau, et choisissent parfois de se spécialiser dans un domaine particulier (médical ou législatif par exemple). Ce sont ces mêmes libraires qui vont booster les imprimeurs car plus il y a de livres, plus on vend. Et plus on fait de bénéfices… (On est à l’époque de Hachette, Colin, Hatier, Nathan…fin du XIXe siècle).

Le livre se démocratise, devient plus compact, plus petit, et est vendu devant les gares, dans des kiosques, avec des journaux. Avec la démocratisation de l’apprentissage de la lecture, il y a une vraie demande, donc un véritable business qui se développe.

Le libraire se transforme en éditeur. Il choisit le format, la taille des caractères, les illustrations, puis il confie le manuscrit avec ses directives à un imprimeur qui corrige le texte, le met en forme et réalise un tirage. Les feuillets sont ensuite transmis à un relieur avant de revenir au libraire qui se charge de vendre les exemplaires ainsi produits. Au début, tout cela est à la charge de l’auteur qui reverse au libraire une somme pour chaque livre vendu. Jusqu’à ce que la situation s’inverse aujourd’hui…

On continue : au XXe siècle, on invente des prix : le Goncourt et le Femina. C’est l’apparition de Gallimard, le dieu de l’édition en France ! Mais les deux Guerres mettent un frein à l’essor de l’industrie du livre, car à présent c’est de cela qu’il s’agit. Qui dit industrie dit investissement et nécessité de faire du chiffre d’affaires. Il faut savoir que pour survivre, les éditeurs français vont collaborer avec les allemands. Ils vont expurger de leurs catalogues les livres écrits par des auteurs « non conformes » et écarter les membres du personnel de confession juive. Sans compter les éditeurs qui vont carrément se compromettre avec l’occupant pour des raisons de propagande ou en approuvant le programme de « révolution nationale » de Pétain… Pas cool tout ça !

C’est ainsi que dans la deuxième moitié du XXe siècle, les éditeurs qui ont survécu aux deux Guerres, se partagent le monopole du secteur de l’édition, à nouveau prospère, et forment de grands groupes destinés à empêcher l’arrivée de petits éditeurs sur le marché. Là on commence à reconnaître notre paysage actuel…

Aujourd’hui, de grands groupes, passés à l’international, se partagent et régissent le domaine de l’édition. Mais grâce au développement d’Internet, à la concurrence des réseaux, ils ne parviennent que difficilement à conserver le pouvoir absolu sur les choix éditoriaux. L’avenir nous dira s’ils parviendront à dépasser cette période « critique ».

Quelques « détails » intéressants

De 1750 à 1800, les auteurs qui souhaitaient éviter les censures cléricale et royale, se faisaient publier hors de France, à leurs frais. Et certains grands auteurs sont visés par la censure, par exemple l’Emile de Rousseau est condamné par l’archevêque de Paris en 1762. Entre 1780 et 1790, 40% des prisonniers de la Bastille y sont pour une condamnation en rapport avec l’écriture d’un livre… Nous faisons un métier dangereux ! Aujourd’hui encore, certains auteurs se mettent en danger juste pour le fait d’écrire comme c’est le cas pour Salman Rushdie dans le monde ou Stephen King aux Etats-Unis.

De l’auteur au libraire, qui gagne quoi ?

D’après un article publié par Laure Daussy – journaliste.

En France, les auteurs sont rémunérés en droits d’auteurs. Parfois, ils bénéficient d’une avance sur les ventes du livre, c’est à dire un « à-valoir », qui se décomptera des droits d’auteur. […] Le contrat type prévoit que l’auteur touche 8 % de droits jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, 10 % entre 10 001 et 20 000, 12 % au-delà. Cela représente donc, pour un livre vendu 20 euros, entre 1,60 et 2,40 euros par exemplaire pour l’auteur.

Pour conclure, un auteur qui s’autoédite ne doit pas se sentir moins légitime qu’un auteur publié par un éditeur, dès lors que son livre est corrigé et mis en page correctement, selon les critères actuels. De plus en plus de salons s’ouvrent à l’autoédition et le public sait faire des choix sans être sous la guide d’une maison d’édition.

Donc haut les cœurs. Croyez en vous et écrivez !